Chus Díaz Bacchetta | PEINTURES | "Tout est à faire et tout est possible" - extrait du poème Ara mateix de Miquel Martí i Pol
Tourner la page, livre d'art unique : peinture, collage, dessin et texte manuscrit sur une double feuille de murier. Réalisé entre avril et novembre 2020. Collection de la Réserve Précieuse, Bibliothèque Cantonale Universitaire de Lausanne.
Année de contrastes, de mesures extrêmes, d'urgences et de ralentissements, de mensonges démasqués et de vérités douteuses, de bruits incompréhensibles et de silences évocateurs, de solidarité avec l’autre et d'appréhension de l’inconnu. Introspection, faire le vide et travailler une nouvelle forme d’expression, celle du livre. Penser la composition cadencée au rythme des pages et des nuances. Des formes se succèdent, me portent, me bousculent, me bercent et accueillent ma plume tremblante. Tourner la Page est réalisé dans un petit format carré réunissant peinture, collage et dessin sur douze pages. Le texte manuscrit sur une double feuille de murier chinois, m’a été soufflé par la brise que produit le passage d’une page à l’autre. Un voyage plastique où peintures et mots se succèdent alternativement dans un va-et-vient de pages qui se tournent et se retournent, se découvrent, se reconnaissent, s’accueillent et se libèrent.
"Dualité en équilibre", dans #identitats - Huit artistes catalans en Suisse romande, catalogue d'exposition, Lutry: La Menuiserie, octobre 2019
Barcelone années soixante. L’insouciance de l’enfance n’épargnait en rien un sentiment de gravité qui imprégnait tous les gestes quotidiens, même si on chantait, on riait et une certaine légèreté voilait les chuchotements des femmes dans la cuisine et la sieste possédait les hommes de la famille. Encore un repas à éviter certains sujets. On passait sous silence la douleur d’une blessure indicible, la mémoire d’un parent disparu à jamais dans une fosse commune ou les larmes qui auraient dû s’exprimer dans une langue imposée. Au sud, j’étais « la Catalane », mais chez moi en Catalogne quelque chose me manquait : une langue interdite à laquelle mon père avait renoncé dès son enfance, touché à vie par la peur de la répression. Le catalan, sa langue maternelle, il ne la parlait qu’avec sa mère. On m’a ôté un héritage précieux. Il parlait peu mon père. L’année de mes six ans, il m’a dessiné une allée d’arbres allongés par laquelle peut-être il voulait s’échapper. Avec peu de moyens et en silence, on s’entendait.
Quelques années plus tard c’est moi qui partais. Lors de mon premier voyage en Suisse, un sentiment de liberté se mélangeait à celui d’une nostalgie prémonitoire à la vue, depuis le train, d’innombrables senyeres sur les balcons. C’était le 11 septembre 1979, jour de la Diada , une des premières à pouvoir être célébrée après tant d’années de dictature. Je partais les yeux et le cœur grand ouverts avec un héritage culturel boiteux, comblé plus tard avec ténacité et amour pour la terre de mes ancêtres. C’était le premier de multiples allers et retours entre le bord de mer de mon enfance et le lac Léman de ma jeunesse. Un itinéraire que j’emprunte régulièrement, dont je ne suis plus capable d’identifier si je vais ou si je reviens, une partie de chaque territoire toujours en moi. Dualité qui a marqué mon existence comme une danse improvisée en équilibre dont je ne saurais pas me passer.
Aux paroles, j’ai toujours préféré les couleurs et la matière que je travaille de façon intuitive, parfois avec du sable ou de petits trésors collectés au bord de l’eau. Taches, collages et l’effet inattendu surgi de l’énergie du geste aux traces multiples, invitant l’imaginaire à faire le reste. Fragments d’images ancrés peut-être dans ma mémoire. L’idée de cette exposition pour célébrer le 50e anniversaire du Centre Català Lausanna-Ginebra m’est apparue comme une évidence. Lieu de rencontre pour Catalans errants, lien direct avec la culture catalane qui nous permet d’en être en contact, de combler certains manques et de poursuivre nos chemins.
____
Chus Díaz Bacchetta, Lutry, août 2019
"Dualitat en equilibri", en #identitats - Vuit artistes catalans en Suïssa romanda, catàleg d'exposició, Lutry: La Menuiserie, octubre 2019
Barcelona anys seixanta. La despreocupació de la infantesa no em va estalviar la sensació de gravetat que impregnava el nostre dia a dia, tot i que es cantava, es reia i una certa lleugeresa vetllava els xiuxiuejos de les dones a la cuina i la migdiada posseïa els homes de la família. Un altre àpat a evitar certs assumptes. Callàvem el dolor d’una ferida indescriptible, la memòria d’un parent desaparegut per sempre a una fossa comuna o les llàgrimes que s’haurien d’expressar en una llengua imposada. Al sud, era "la catalana", però a Catalunya em faltava alguna cosa: una llengua prohibida a la qual el meu pare havia renunciat des de la seva infantesa, ferit a vida amb la por de la repressió. El català, la seva llengua materna, el parlava només amb la seva mare. Em van prendre un llegat preciós. El meu pare parlava poc. Quan jo tenia sis anys, em va dibuixar un camí d’arbres allargats pel qual potser volia escapar-se. Amb pocs mitjans i en silenci, ens enteníem.
Uns anys després era jo qui marxava. Quan viatjava cap a Suïssa per primera vegada, un sentiment de llibertat es barrejava amb una nostàlgia premonitòria veient, des del tren, el gran nombre de senyeres penjades als balcons. Va ser l’11 de setembre de 1979, una de les primeres Diades que es van poder celebrar després de tants anys de dictadura. Marxava amb els ulls i el cor ben oberts però amb un llegat cultural coix, que vaig reparar més tard amb tenacitat i amor per la terra dels meus avantpassats. Va ser el primer de molts viatges d’anada i tornada entre la vora del mar de la meva infantesa i la vora del llac Léman de la meva joventut. Una ruta que manllevo regularment, incapaç d’identificar si vaig o si torno, una mica de cada territori sempre amb mi. Dualitat que ha estat marcant la meva existència com una dansa improvisada en equilibri, cosa a la que ja no puc renunciar.
A les paraules, sempre he preferit els colors i els materials que treballo intuïtivament, de vegades amb sorra o amb petits tresors recollits a la vora de l’aigua. Taques, collages i l’efecte inesperat apareix de l’energia del gest amb múltiples empremtes, convidant la imaginació a fer la resta. Fragments d’imatges, ancorats potser a la meva memòria. La idea d’aquesta exposició per celebrar el 50è aniversari del Centre Català Lausana-Ginebra, em va semblar evident. Lloc de trobada dels catalans errants, vincle directe amb la cultura catalana ens permet ser-hi en contacte, omplir certes mancances i continuar el nostre camí.
____
Chus Díaz Bacchetta, Lutry, août 2019
APERTI XIII - Texte contribution pour l'installation itinérante, Scatola Mobile à Lausanne :
11 mai: 10h30-13h00 Place St. Francois
14 mai, 16h00-18h30 Place St. Laurent
15 mai, 11h30-13h30 Place Palud
Art et espace public
Traces éphémères de passants invisibles aux gestes spontanés, inconscients, d’autres temps.
Cadence imposée, les vieux pavés par terre.
Passages secrets, interdits, révélateurs.
Ouverts sur la place aux rencontres fortuites, aux rendez-vous manqués, aux dialogues ébauchés.
Une forme surgit, se loge contre une autre ; la regarde, la repousse, se méfie… elles s’entendent.
Portées par une intuition ou par une évidence.
____
Chus Díaz Bacchetta, mars 2019
Out of the blue
L’inattendu, l’imprévisible, la découverte, la caresse
Inspirer, prendre le temps d’écouter le silence, le sentir et attendre sa voix,
concentrée les yeux fermés.
Prendre conscience de la matière, cailloux, coquillages, cordes, clous, cahiers, crayons.
Prendre conscience de ma présence et de ses conséquences.
Faire l’état de lieu, le pinceau oublié dans l’évier, la petite boîte chargée d’émotions sur le point d’éclater,
la musique prête à sonner, mes dernières esquisses par terre.
Peurs, doutes, douleurs, questionnements, excuses… puis le vide: la feuille blanche, la toile vierge,
le cœur lourd et le regard humide.
Expirer, faire des choix, la technique, le format, préparer la matière, tourner au tour,
ne pas se prendre la tête, se prendre la tête, la tête.
S’approcher, lâcher prise, une danse improvisée, un rapport à la matière, la découverte d’un geste,
l’instant imprévisible.
Regarder, lire les tâches, les formes, la fusion des matières, expérimenter l’inattendu,
identifier l’émotion, la découvrir, la transmettre.
_____
Lutry, novembre 2018
MarAbelles : petit cabinet de curiosités
Série de peintures montées sur les cadres en bois d’une ruche,
suspendus en dessus de celle-ci.
Une installation, qui tente de mettre en valeur le travail des abeilles et aussi
de polliniser les consciences en les sensibilisant à la menace de leur extinction.
Le titre de la série est formé par la combinaison des mots catalans “mer” et “abeilles” dont l’ensemble phonétique signifie “merveilles”, évoquant à la fois les abeilles du littoral catalan d’où s’inspire ce projet et les objets de collection des anciens cabinets de merveilles ou de curiosités, ancêtres des musées. Les abeilles et leurs produits précieux, de plus en plus curieux, de plus en plus rares.
Technique mixte : cire d’abeille, huile, acrylique, encre de chine et graphite; sur papier, ca. 41'3 x 26'7cm.
_____
Lutry, juin 2018
L'installation «MarAbelles : petit gabinet de curiositats», lors de l'exposition à Le Jardin Créatif, septembre 2018, Le Mont-Pèlerin CH
© Chus Díaz Bacchetta, 2022 | chusdb@mac.com | Instagram
© les images sur ce site internet, tous droits réservés